Éleveur de brebis en Ariège, Franck Watts est le référent ours de la Fédération nationale ovine. Et il s’inquiète pour la sécurité de tous ceux qui vivent ou viennent dans les Pyrénées.

Les images de la prédation de l’ours, subie à l’été 2022, Franck Watts les gardera à jamais en mémoire. « En 2022, j’ai subi la prédation sur une transhumance en Ariège. Sur un lot de 70 jeunes bêtes, on en a perdu 11. On a retrouvé deux cadavres, beaucoup ont disparu et trois brebis enrochées sont mortes. On les voyait agoniser dans le vide, sur une terrasse inaccessible », ressasse-t-il non sans émotion.

L’éleveur de 47 ans, qui est aussi référent ours de la FNO, la Fédération nationale ovine, est à la tête d’un troupeau de 300 brebis viande. Installé dans le Couserans, c’est-à-dire la partie sud-ouest du département, en Ariège, il vit au cœur de la zone la plus prédatée par l’ours. L’Ariège est en effet le département le plus touché puisqu’il concentre à lui seul près de 90% des 349 attaques d’ours recensées en 2023. Et au sein même du département, c’est justement cette zone du Couserans qui est la plus attaquée. « Ici, on a un relief compliqué qui favorise l’installation de l’ours », analyse l’éleveur.

Parce qu’il ne veut plus voir ses brebis massacrées, Franck Watts a pris une décision radicale. Depuis l’été 2023, ses bêtes transhument dans les Hautes-Pyrénées, dans une zone qui subit une prédation moins forte que l’Ariège. « La contrainte de l’ours, ça a changé le métier en montagne, déplore-t-il. Cette estive est à plus de deux heures de route, ce qui a des conséquences financières pour mon exploitation. »

Partager la montagne avec les patous

Mais il n’y a pas que les ours qui représentent un danger. Les chiens de protection de troupeaux, qui sont indispensables dans les estives, ne sont pas vraiment des animaux domestiques. Ces fameux patous, qui peuvent mesurer jusqu’à 80 centimètres et peser 70 kilos, ont pour mission de s’interposer entre le troupeau et les intrus. Or de nombreux promeneurs ont des comportements inappropriés envers les patous, en s’approchant d’eux pour les prendre en photo, les caresser ou leur donner à manger, ce qui peut induire une réaction agressive du chien. « Vis-à-vis de la randonnée et du tourisme, j’ai une position radicale. Il faut que les gens apprennent à partager la montagne avec les patous, prévient Franck Watts. Dans les zones où il y a beaucoup de prédation, il y a beaucoup de chiens. Les éleveurs font ce qu’ils peuvent : les patous sont des chiens qu’on ne dresse pas mais qu’on éduque. Les patous nous sont imposés par l’Etat comme les ours et tout comme les usagers de la montagne, on subit leur présence. »

Si des actions de sensibilisation sont menées par les pouvoirs publics pour expliquer les gestes à adopter (garder ses distances avec le troupeau, s’arrêter, descendre de son vélo, tenir son propre chien en laisse, etc.), elles sont encore largement insuffisantes. « Les pouvoirs publics commencent à mettre des panneaux d’information, lancent des missions pour informer le public, mais franchement on est encore loin du compte. On pourrait vraiment aller beaucoup plus loin en matière de communication sur ce sujet, regrette-il. Nous, bergers et éleveurs, nous sommes là pour prendre soin de nos bêtes et entretenir l’espace montagnard grâce à nos estives, pas pour faire de la prévention. C’est l’État qui a décidé de réintroduire l’ours dans les Pyrénées en 1996, contre l’avis des populations locales. C’est donc aujourd’hui à lui de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des éleveurs, des bergers, des habitants et des touristes. »