Depuis le 25 juin, 30 attaques attribuées au loup ont été recensées en Saône-et-Loire. En 3 mois, ce sont 110 brebis tuées, 60 blessées et 17 élevages impactés. Le loup concentre ses attaques sur un secteur de 600 km² en plein cœur du bocage charolais, dans le berceau de la race. Une quarantaine d’éleveurs vit quotidiennement dans la crainte d’une attaque. Alexandre Saunier est l’un d’entre eux. Membre de la section ovine de la FDSEA et membre du bureau de la FNO, il participe aux échanges avec l’administration départementale.
(c) pascal SANDRIN
Quelles difficultés l’arrivée des loups a-t-elle eux dans votre département ?
Pour s’adapter à la géographie de notre département, les éleveurs divisent le troupeau en différents lots qui pâturent durant plusieurs semaines sur des petites prairies de 1 à 5 hectares. Cette multiplication du nombre de lots rend difficilement protégeable nos animaux. Nous avons installé des kilomètres de filets de protection. Les 2/3 du budget national alloué à l’achat des filets ont été attribués à notre département, soit l’équivalent de 64000€.
En plus, l’administration nous a octroyé des autorisations de tir défense simple, puis renforcé et depuis le début du mois d’octobre, de prélèvement. 16 louvetiers et 38 chasseurs ont été formés aux tirs renforcés et de prélèvement. Mais là encore, les opérations ont toujours un temps de retard… Le loup a tellement le choix. L’identité paysagère du Charolais est marquée par le bocage. Nos prés sont entourés de haies vives, de murets ou de bois. Ils constituent des paravents pour le loup et le rendent difficilement visible. Le terrain est à son avantage.
En quoi le loup modifie l’activité d’élevage ?
Nous sommes très inquiets sur la fertilité des brebis qui ont subi une attaque et donc un stress important. Elles étaient en pleine période de reproduction. Certains éleveurs pourraient être privés de revenu, faute d’agneaux à commercialiser.
De plus, nous sommes obligés de modifier nos pratiques. Nous rassemblons les lots pour en avoir moins à protéger, ce qui n’est pas sans conséquence pour le sol des prairies. En effet, les prairies doivent supporter un poids plus important et quand il pleut beaucoup, comme en ce moment, elles se transforment en champ de boue impraticable. Certains les rentrent la nuit. D’autres ont mis en place des parcs de nuit en clôturant les parcelles avec des filets. Pour ma part, j’ai ramené tous les lots à proximité de ma bergerie pour les surveiller davantage. Certains éleveurs travaillent 4 heures de plus par jour pour poser des filets ou surveiller les brebis. Depuis 3 mois, nous ressentons une grande fatigue psychologique et physiologique. La pression du loup est difficile à vivre et à supporter.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Personnellement, je ne dors pas bien en ce moment. Toute ou une partie de mon troupeau reste dehors les 12 mois de l’année. Elles ne rentrent que pour agneler. Ma bergerie a 300 places. Or j’ai 600 brebis ! L’hiver, Elles sont réparties en 30 lots qui pâturent sur 90 hectares… il faudrait que je pose plus de 30 kilomètres de filets. Cet hiver, je n’ai aucune solution pour les protéger : je n’ai pas de bâtiment suffisamment grand, les parcs de nuit seront des parcs de boue… Si le loup n’est pas prélevé d’ici cet hiver, je suis inquiet pour l’avenir.
Vous sentez-vous soutenus ?
Nous avons reçu une bonne écoute de l’administration. Elle a été réactive dans la mise en place des outils que proposait le plan national loup. Néanmoins, les outils de défense et de protection ne sont pas adaptés à nos zones. Les tirs de défense, simple et renforcé, ainsi que les moyens de protections existants, ne sont pas adaptés aux maillages et aux petites parcelles de chez nous. Il est donc crucial de faire évoluer le plan loup pour que chaque éleveur soit en capacité de protéger son troupeau.