La protection, une démarche globale
Les éleveurs utilisent des moyens de protection pour prévenir les dommages causés par ces trois grands prédateurs. Les éleveurs confrontés au loup et à l’ours peuvent souscrire à des contrats de protection pris en charge à 80% par l’Union européenne et le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation (MAA). Dans le cas du lynx, jusque-là les éleveurs qui ne sont pas situés dans les zones de prédation du loup n’y ont pas accès. Ils doivent alors demander un financement grâce aux crédits d’urgence, attribué au cas par cas. La profession agricole a demandé l’harmonisation du dispositif dans le cadre de l’élaboration du futur Plan national d’action en faveur du lynx boréal (voir cadre juridique lynx) ainsi que la prise en charge totale des moyens de protection pour tous les grands prédateurs.
Le choix des moyens de protection se base sur une analyse du système de pâturage de l’exploitation (les risques que prend le troupeau) mis en regard de la pression de prédation : les mesures de protection évoluent donc constamment, selon l’évolution du contexte.
La protection des troupeaux repose sur deux « outils » principaux, que les éleveurs ont dû apprendre à maîtriser ou à adapter au nouveau contexte de la prédation : les chiens de protection et le regroupement nocturne, avec clôture électrifiée ou gardé par un berger.
Le principe de non-protégeabilité
Les textes règlementaires ont défini des cas de non-protégeabilité face à la prédation.
Une première forme de non-protégeabilité est reconnue à l’échelle d’un troupeau ou d’une partie de troupeau, pour lesquels la mise en place de moyens de protection est quasiment impossible techniquement. Cette reconnaissance est délivrée à titre exceptionnel et repose sur des critères précis, définis au niveau départemental pour coller aux réalités des systèmes locaux.
A cela s’ajoute la non-protégeabilité territoriale, pour des zones reconnues comme « difficilement protégeables » au regard du contexte environnemental et des dépenses financières disproportionnées qu’engendrerait la mise en place de moyens de protection pour l’éleveur et la collectivité territoriale. Aujourd’hui, le classement « zone difficilement protégeable » est décidé par le préfet coordonnateur et ne s’applique pour le moment que dans les nouveaux fronts de colonisation du loup et pour les communes des départements suivants : l’Aveyron, le Tarn, l’Hérault et la Lozère. Le critère principal utilisé dans ce classement est la densité ovine. La profession agricole milite pour élargir le classement aux foyers historiques de prédation, mais aussi à tout le territoire national dès lors que les critères exigés sont remplis par les communes en question.
Une indemnisation des dommages conditionnée aux moyens de protection
La nouvelle politique d’indemnisation applicable depuis le 9 juillet 2019 impose que l’éleveur ait souscrit à des moyens de protection pour pouvoir être indemnisé en cas d’attaques, avec des critères différenciés selon le prédateur en cause. C’est la conditionnalité de l’indemnisation à la mise en place de moyens de protection. Les éleveurs ovins et caprins situés dans les zones historiques de prédation sont les plus concernés. La profession agricole s’est insurgée contre cette règle, considérant qu’elle engendre une double peine pour les éleveurs, mais sans succès pour le moment.
Les éleveurs remettent en cause leur système d’élevage, pour une efficacité limitée
Il ne fait aucun doute que la mise en place de ces moyens de protection limite fortement la prédation et que les éleveurs ont fait un travail important d’équipement de leur exploitation et d’adaptation de leur système d’élevage. Mais ces adaptations sont souvent au détriment du bien-être de l’animal (moins de temps de pâturage, regroupement nocturne, augmentation des déplacements…) et de la qualité de vie des éleveurs.
De plus, l’expérience du loup a montré que tous ces systèmes de protection ne sont que partiellement efficaces, puisque les attaques sur les troupeaux ne cessent d’augmenter. Même dans des départements comme les Alpes-Maritimes, où les éleveurs sont confrontés au loup depuis plus de 20 ans et ont mis massivement en place des moyens de protection, le nombre d’attaques augmente chaque année.
Le travail du berger ou de l’éleveur : la clef du système de protection
Tout le système de protection du troupeau est basé sur la prise de décision de l’éleveur ou du berger, en fonction des risques de prédation qu’il évalue et du bien-être qu’il veut pour son troupeau.
Il est faux de croire ou de penser qu’avant la présence de grands prédateurs, les troupeaux n’étaient pas gardés. La surveillance du troupeau est la base du travail du métier d’éleveur et elle s’entend différemment selon les Régions et les contextes d’élevage. Pour exemple dans les Alpes du Sud (Région Provence-Alpes-Côte d’Azur), grande Région de pastoralisme, les bergers ont toujours gardé leurs troupeaux et ce même avant l’arrivée du loup. Dans d’autres Régions françaises, la surveillance se fait plutôt par des visites quotidiennes ou régulières, les brebis pâturant dans des parcs ou des endroits clos.
L’arrivée du loup a fortement remis en question les métiers d’éleveur et de berger et a imposé un surplus de travail considérable pour un bien-être des brebis qui s’est dégradé.
Le chien de protection : un outil primordial
L’expérience acquise montre que les chiens de protection sont la première base de la protection du troupeau en estive et souvent dans les autres contextes de prédation. Ces chiens appelés Patous sont principalement de races Montagne des Pyrénées ou Maremme-Abruzzes. On trouve également d’autres races de chiens comme les Bergers d’Anatolie, les Bergers du Caucase, les Mastines espagnols, etc. Leur comportement est basé sur la dissuasion de toute intrusion dans le troupeau, de par leur corpulence, leurs aboiements et leur capacité à s’interposer. L’éducation de ces chiens demande aux éleveurs de nouvelles compétences qu’ils ont dû acquérir parfois dans l’urgence de situation de prédation , ce qui n’est pas sans poser de problèmes.
Des parcs sécurisés pour la protection des troupeaux
Dans de nombreux contextes, l’alimentation du troupeau se faisait en parc de pâturage. Le retour des grands prédateurs dans ces zones a fortement remis en question ces pratiques et les éleveurs ont dû sécuriser leurs parcs: ajout de fil supplémentaire, électrification… Ces investissements, bien que subventionnés, sont lourds à porter pour les éleveurs.