Francis Wolff, professeur émérite au département de philosophie – Ecole normale supérieure, nous livre un petit remake de la fable « Le loup et l’Agneau » de la Fontaine
Qu’est ce que le bien-être animal? A qui s’applique t’il?
« Prenons un exemple des contradictions dans laquelle nous mettrait la notion générale d’Animal ou la prétendue définition de l’animal en général comme « être sensible » et une morale qui se contenterait de proclamer qu’aucun être vivant ne doit souffrir. Soit le nouvel apologue du loup et l’agneau. Situons cet apologue quelque part dans le Mercantour. Des loups, qui sont incontestablement des êtres vivants sensibles, souffrant de la faim, attaquent des agneaux, qui sont eux aussi incontestablement des êtres vivants sensibles, souffrant d’être mangés. Que faire face à ce conflit de sensibilités ? A s’en tenir à la notion d’Animal sensible, on ne saurait plus répondre. Car les bergers, qui sont incontestablement eux aussi des êtres vivants sensibles, n’auraient que leurs yeux pour pleurer, incapables de défendre leur sensibilité et leur vie, et de défendre leurs êtres sensibles contre d’autres êtres sensibles. En fait, heureusement que l’Animal n’existe pas et que nous savons encore distinguer, dans notre morale et dans le Droit français, les animaux humains, source du Droit, et les autres espèces animales, les bêtes, selon le type de rapport et les intérêts que nous autres humains avons établies avec elles. Les espèces sauvages protégées comme les espèces nuisibles ont un statut défini par le Code de l’environnement. L’agneau a un statut défini par le Code rural qui oblige le berger à l’élever « dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». Mais le chien du berger, comme ses moutons d’ailleurs, sont protégés des mauvais traitements que pourrait lui infliger son maître grâce au Code pénal. Et heureusement pour le berger que ses agneaux sont bien les siens, ce qui est garanti par leur statut de « bien meuble » reconnu par le Code civil. Conclusion : heureusement que le Droit français, dans sa complexité, est sage, et que les lois destinées à satisfaire les amateurs d’idées simples mais trompeuses comme « animal », ou comme « sensibilité » sont sans le moindre effet sur le Droit. »