Lettre ouverte au Président MACRON sur la prédation dans le cadre de la présidence française de l’UE

Lettre ouverte à Emmanuel MACRON

« La protection du pastoralisme doit, aussi, être affirmée comme une grande cause agricole de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne ! »

Monsieur le Président de la République,

« Un moment historique », au cours duquel vous souhaitez « défendre l’excellence de notre modèle agricole ». « Un moment rare » pour agir en faveur de la mise en cohérence des politiques européennes. Ce sont des mots particulièrement forts que vous avez choisis, pour annoncer la Présidence Française du Conseil de l’Union européenne qui s’est ouverte au 1er janvier.

Nous éleveurs, nous nous félicitons de votre enthousiasme. Tout comme nous partageons votre ambition d’apporter plus de clarté, plus de cohérence à l’action de l’Union européenne dans certains domaines.

C’est le cas, par exemple, du pastoralisme : l’Union européenne peut-elle, plus longtemps, vanter les innombrables services rendus aux territoires et à l’environnement par cette activité, tout en continuant de fermer les yeux sur la menace permanente qui pèse sur celles et ceux qui la font perdurer ?

Accepte-t-elle, vraiment, de laisser des femmes et des hommes travaillant depuis des années pour nourrir nos populations et façonner nos paysages, tout perdre du jour au lendemain ? Se résout-elle à assister, passivement, à l’abandon de l’élevage et à la disparition de nos prairies, au seul nom d’une idéologie ?

Car c’est bien cela dont il s’agit, désormais ! Faire primer la « stricte protection » des grands carnivores comme le loup sur celle des éleveurs et du pastoralisme, c’est préférer le dogme à une réalité de terrain pourtant toute simple : le loup n’est plus une espèce en voie de disparition en Europe. La population de loups en Europe a dépassé les 17 000 individus ! Et ce constat est au cœur d’un projet de résolution examiné au Parlement européen au cours des prochaines semaines.

« La question du loup sera abordée dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne » déclarait le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien DENORMANDIE lors de votre déplacement dans la Creuse le 24 janvier dernier.

La Présidence française du Conseil de l’Union européenne est donc l’occasion, Monsieur le Président, d’ancrer la politique européenne dans cette réalité. A la manière des éleveurs de brebis qui ne se contentent pas de commenter l’enjeu de protection de la biodiversité mais y œuvrent, concrètement, au quotidien, nous vous demandons d’insuffler un vent de pragmatisme dans la politique européenne de conservation des espèces.

En mettant à l’ordre du jour européen 3 chantiers prioritaires :

  • Le déclassement du loup de l’annexe IV de la Directive Habitat: au regard de l’évolution des effectifs de loups en Europe au cours des dernières années, ce dernier doit être exclu de la liste des espèces nécessitant une protection stricte, pour passer à celle d’intérêt communautaire dont le prélèvement est susceptible de faire l’objet de mesures de gestion (Annexe V).
  • Le financement des mesures de protection par des fonds européens autres que ceux du second pilier de la Politique Agricole Commune. Ces fonds doivent être dédiés aux éleveurs, à la modernisation de leur exploitation, à leur transition agroécologique : ils ne doivent pas financer la politique de conservation des grands carnivores !
  • La suppression des lignes directrices de la Commission européenne qui qualifient les indemnisations versées aux éleveurs au titre des dégâts causés par les grands prédateurs comme des aides d’Etat alors qu’elles réparent un préjudice !

Cette approche pragmatique ne peut plus attendre, Monsieur le Président. Elle répond à une urgence au plan humain : l’Union européenne a le devoir de répondre à la souffrance psychologique des éleveurs. Elle répond à une urgence financière : la mauvaise gestion des grands carnivores coûte plus de 30 millions d’euros à la France par an et plus de 28 millions par an au contribuable européen, sans aucun résultat positif pour les éleveurs.

Elle répond à une urgence écologique : la disparition de l’élevage ovin dans les territoires de montagne européens serait un véritable non-sens en matière de lutte contre le changement climatique, de protection de la biodiversité mais aussi de préservation de la qualité de l’eau, de lutte contre les érosions, de prévention des risques d’incendies, …

Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, nous nous permettons aujourd’hui de vous lancer cet appel : la protection du pastoralisme contre les grands prédateurs doit, dès aujourd’hui, être ajoutée à votre liste de priorités pour la Présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Nous vous remercions, Monsieur le Président, pour l’intérêt que vous voudrez bien porter à cet appel et vous prions de bien vouloir agréer l’expression de notre très haute considération.

La Présidente de la FNO
Michèle BOUDOIN